A hauteur des nuages

Chroniques de ma montagne taoïste

 

Comment un ancien moine cistercien, prieur de l'abbaye de Boquen, dont la contestation puis la démission avaient défrayé la chronique dans les années 60 et 70, peut-il se retrouver à fonder, en Chine, une auberge taoïste au flanc d'une montagne sacrée ? Les circonstances de la vie y sont certes pour quelque chose, mais tout se passe comme si Bernard Besret, éternel pèlerin de l'absolu, avait retrouvé à travers la sagesse chinoise la patrie spirituelle qu'il avait toujours cherchée.

Voici donc les chroniques taoïstes de Bernard Besret : elles nous parlent de la vie quotidienne en Chine, de son propre parcours, de celui d'un ancêtre lointain qui fut jadis évêque en Chine ; elles nous invitent aussi à méditer sur le sens du temps, du corps, du rapport au cosmos... Autant de thèmes qui, au fil d'une plume alerte, nous interrogent sur notre propre vie, et nous enrichissent de connaissances sur cette "étrangeté" qu'est la Chine.

 

 


Sud-ouest de la Chine, années 1990.
À la Source de Printemps, sur le mont Nannuo, la culture du thé rythme la vie des habitants depuis toujours. Loin de connaître les progrès sans précédent qui se propagent au reste du pays, les Akha perpétuent des méthodes de récolte archaïques et des principes religieux très strictes. Li-yan, première personne de sa famille à savoir lire et écrire, rejette les traditions qui ont jusqu’alors façonné son existence. Sur le point de débuter la formation qui fera d’elle la prochaine sage-femme de la vallée, elle décide de poursuivre ses études malgré les réticences de la communauté. Malheureusement, lorsqu’elle doit faire face à une grossesse non désirée, la loi akha tombe, et Li-yan n’a d’autre choix que tout abandonner – jusqu’à son enfant, qu’elle dépose sur les marches d’un orphelinat, accompagnée d’une galette de thé. Les années passant, le souvenir de cette tragédie la hante, tandis qu’à des milliers de kilomètres, une jeune femme se lance à la recherche de ses racines…


Dans un monde agité de nombreux courants contraires, instable, l'heure est venue d'échanger non seulement nos marchandises mais aussi nos sagesses. Les Chinois vénèrent la carpe koï car elle vit en totale symbiose avec son environnement, toujours aux aguets pour mieux saisir les opportunités qui se présentent. Elle possède 8 vertus qui lui permettent d'avoir la bonne attitude pour faire face à la vie : ne se fixer à aucun port, ne viser aucun but, vivre dans l'instant présent, ignorer la ligne droite, se mouvoir avec aisance dans l'incertitude, vivre en réseau, rester calme et serein, remonter à la source. Notre manière occidentale de penser et d'appréhender les choses, cartésienne et figée, pourrait avoir beaucoup à apprendre de ce poisson célébré par les trois sagesses chinoises pour envisager la vie autrement.


Tout quitter du jour au lendemain pour aller chercher, seule, au fin fond de la Chine communiste, les secrets oubliés de l'art antique chinois, était-ce bien raisonnable ? Fabienne Verdier ne s'est pas posé la question : en ce début des années 80, la jeune et brillante étudiante des Beaux-Arts est comme aimantée par le désir d'apprendre cet art pictural et calligraphique dévasté par la Révolution culturelle. Et lorsque, étrangère et perdue dans la province du Sichuan, elle se retrouve dans une école artistique régie par le Parti, elle est déterminée à affronter tous les obstacles : la langue et la méfiance des Chinois, mais aussi l'insupportable promiscuité, la misère et la saleté ambiantes, la maladie et le système inquisitorial de l'administration... Dans un oubli total de l'Occident, elle devient l'élève de très grands artistes méprisés et marginalisés qui l'initient aux secrets et aux codes d'un enseigne- ment millénaire.
De cette expérience unique sont nés un vrai récit d'aventures et une œuvre personnelle fascinante, qui marie l'inspiration orientale à l'art contemporain, et dont témoigne son extraordinaire livre d'art L'unique trait de pinceau (Albin Michel). 


 L’objet que se donne la peinture chinoise est de créer un microcosme « plus vrai que la Nature elle-même » (Tsung Ping) : ceci ne s’obtient qu’en restituant les souffles vitaux qui animent l’Univers ; aussi le peintre cherche-t-il à capter les lignes internes des choses et à fixer les relations qu’elles entretiennent entre elles, d’où l’importance du trait.

 

Mais ces lignes de force ne peuvent s’incarner que sur un fond qui est le Vide. Il faut donc réaliser le Vide sur la toile, entre les éléments et dans le trait lui-même. C’est autour de ce Vide que s’organisent toutes les autres notions de la peinture chinoise ; celles-ci formant un système signifiant auquel François Cheng est le premier à appliquer une analyse sémiotique. Son commentaire est enrichi par d’amples citations et des reproductions.

 

François Cheng

Ecrivain, a été professeur des Universités de l’INALCO (Institut National des Langues et Civilisations Orientales).

 

Il est notamment l’auteur, au Seuil, de l’Ecriture poétique chinoise (1977, « Points Essais », 1996) et de Souffle-Esprit (1989, « Points Essais »,2006).